Beyrouth Barcelone, Espace de vil…le

22 mai 2017

Beyrouth Barcelone, Espace de vil…le

L’architecture crée l’atmosphère. Tadao Ando, lauréat du prix Pritzker en 1995, équivalent du prix Nobel en architecture dont l’œuvre traduit le rapport particulier des japonais à la nature, fait remarquer que  «l’objet de l’architecture est de créer des boites pour y faire naitre des relations humaines (…) des boites dans lesquelles s’unissent l’homme et la nature». « Il faut, à travers l’architecture, redire l’importance du vent, de la lumière, en faire les piliers d’une architecture économe en ressources, en énergie. (…)  En architecture, ce qui compte, c’est la philosophie qui la sous-tend, la façon dont s’installe dans une construction toute la richesse de l’expérience, des émotions, des sensations accumulées au cours d’une vie. Je veux offrir des lieux où les gens sentent qu’ils peuvent vivre ensemble» dit-il.

Ici, on nous offre des lieux ou nous isoler, nous emmurer, nous éloigner…. de la nature, de la rue, de l’autre.  Plus on sort du pays, plus on expérimente  des lieux qui  nous enveloppent, nous touchent ou qui nous absorbent, plus on réalise le rôle de l’architecture ; majeur. Nos architectes libanais installées en France, Hala Warde, Roueida Ayache (Architecture Studio), Lina Ghothmeh parlent de la mer, de la lumière, de leur vision de Beyrouth, ville de Méditerranée par excellence. Elles ont toutes encore dans le cœur la passion du Liban, de la mer. Elles circulent entre un musée de la mémoire en Estonie, le Louvre d’Abou Dhabi et un projet de musée d’art moderne à Beyrouth…Cet amour de la mer qui nous habite ; «Homme libre toujours tu chériras la mer». Warde, Ayache et Antoine Chaaya (Renzo Piano) relèvent tous, comment Barcelone a intégré la mer. Haut lieu de l’architecture  dans les années de Gaudi, la cité catalane continue à faire émerger de nombreux architectes et designers, on y voit combien l’architecture impacte les hommes et comme il est important de penser l’espace. Non, il ne suffit pas d’un toit… A Beyrouth voire même sur la cote et à la montagne, nous allons de plus en plus vers des communautés fermées «gated communities», des immeubles sans balcon, des balcons fermés ou vitrés. Tout est fermé. Ville de Méditerranée de plus en plus tournée sur elle-même. La formule hugolienne  prend tout son sens pour moi : «l’architecture, ce grand livre de l’humanité ».

Pendant que les « gated communities »  et les tours s’érigent  pour dévorer l’espace public et privé au Liban, nos architectes en France, pensent les nouveaux matériaux, la nature, comment s’y fondre et comment produire de  l’énergie. Nous, en sommes à dénaturer pour cimenter, figer : le bois de Beyrouth, la plage de Ramlet el Bayda, et dernier en date la promenade du Beirut Waterfront vouée à devenir un Zaitouneh Bay II. Nous avons assurément perdu de vu le sens étymologique du mot nature : force engendrante. Les lieux de rendez-vous à ciel ouvert sont tous barrés, et la possibilité d’une rencontre avec. Les architectes libanaises en France qui rêvent d’un projet côtier peuvent continuer à rêver. Certains projets immobiliers sont suspendus sous l’effet de la société civile mobilisée puis reprennent quelques temps plus tard. La lutte est épuisante. Alors un jour on s’en va on choisit Barcelone ou Lisbonne, pour la mer, pour la montagne, pour la cote, pour exactement tout ce que nous avons ici mais que nous n’avons plus vraiment ; pour la Sécurité Sociale  qui fait que quiconque se présente à un hôpital est soigné gratis ; qu’il soit espagnol ou étranger, touriste ou résident, assuré ou pas, etc. On choisit Barcelone pour les Velocity, à 49 EUR à l’année. Tout ceci dans une Espagne parent pauvre de l’Europe. Pour déjeuner à 12 EUR  ou 20 EUR la plus somptueuse paella, pour le plaisir de manger au resto quant a Beyrouth le delivery fast food en coutera plus. Quelle différence entre Beyrouth et Barcelone ? Barcelone tend ses bras, Beyrouth tourne le dos. Barcelone accueille, Beyrouth frime… sans Sécurité Sociale, sans électricité, sans eau, avec des déchets et choisit un jour de pleine lune, ou pas, d’augmenter les taxes à tout va pour financer  les salaires de fonctionnaires indolents. Le BA ba des principes économiques ne semble toucher ni de près ni de loin les dirigeants ; qui plus est s’auto-prorogent comme c’est le cas du Parlement.

Des dirigeants qui n’arrêtent pas les ravages de la ville;  qui n’ont pas compris que «l’espace public est intégrateur, que sa dimension mesure la qualité de vie d’une ville»; le plaisir aussi dans un certain sens comme le dit Ayache  de par le partage, la sociabilité, l’interaction qu’il favorise.  A Beyrouth, zéro urbanisme, zéro jardins, zéro piazzas et un front de mer dévoré… Quelques belles baraques, quelques beaux immeubles seulement ; « on a des mots mais pas la syntaxe »  dit Roueida Ayache. Aurions-nous perdu le sens du plaisir et notre latin ?

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