La densité de Nicolas

Article : La densité de Nicolas
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23 juin 2021

La densité de Nicolas

L’exposition de Nicolas Baaklini qui se tient au Sporting Club ne donne pas envie de faire un papier de critique d’art. D’ailleurs, je n’ai jamais aimé la critique d’art… Analyser, disséquer et on perd le fil; la beauté est faite pour etre savourée. Nicolas Baaklini est heureux le soir du vernissage et ça fait plaisir. On voit si peu de  personnes dans le Beyrouth d’aujourd’hui sourire large et savourer. Son expo si méditerranéenne plonge sur le ciel et la mer. Les propriétaires du Sporting ont bien voulu aménager l’espace spécialement pour l’expo.  Une pièce vaste utilisée en débarras est transformée en salle d’exposition blanche et lumineuse ; méditerranéenne par excellence.

Il est l’heure où tout s’apaise et je savoure ces portraits un par un, ces bateaux, ces duos… Une atmosphère qui me prend. Du Sporting où je voyage tous les matins quelques heures, courtes, avant de me replonger dans la réalité bitumée et empestée de Beyrouth, je re-voyage ce soir par la magie de l’image et des textes du peintre. J’ai le sentiment pendant quelques minutes d’être dans une ile grecque, immobile… quelque chose qui est là de tout temps. Ce n’est pas surprenant ; la mer est là, un peu plus loin – on l’aperçoit à  travers les grandes baies vitrées –  et Nicolas l’a démultipliée. Toutes ses toiles parlent d’elle et si ce n’est d’elle directement, du moins indirectement : des naïades, un tas de naïades modernes, c’est le mot que Nicolas a choisi des naïades et puis des enfants ; toute la beauté du monde, ce qui fait la beauté du monde : des femmes qui se laissent aller à l’eau, à la douceur de la vie, des femmes qui se laissent aller à leur intimité, des femmes qui baignent. Des enfants côte à côte. Des bateaux en partance ; des   barques pas des grands bateaux. Le départ est plus doux en barques ; parfois deux barques côte  à côte, quelque chose d’une estampe japonaise. Positano, Florence, Beyrouth se brouillent ; un verre de whisky à la main. Je contemple le ciel en mauve et blanc.

Il n’y a pas profusion d’alcool comme par le passé,  mais il y a du whisky et c’est bon. Il adoucit la gorge ; les visiteurs sont simples et beaux  ; et le livre qui reprend l’expo est magnifique; l’imprimeur est libanais, le papier est doux et dense. J’ai besoin de retrouver la beauté du monde. Il n’y a pas de mal à cela ; même en temps de disette et de noirceur; a fortiori même en ces temps.   Eloge de la fuite de Laborit  que je feuilletais quelques heures m’y fait consentir.

Je sais gré au peintre médecin ou au médecin peintre pour cet amour immodéré de la beauté  et d n’avoir pas attendu d’autres temps pour partager et exposer.  Gré aussi pour ces hommages aux proches directement, clairement, sans fioritures et avec mille soins, mille détails : la mer, la tante, l’épouse ; un hommage à la vie,  à la mer, à la femme. Il fait bon dans cet Orient machiste rencontrer des hommes de la trempe de Nicolas Baaklini, des médecins humanistes comme du temps d’avant quand les médecins aimaient la littérature ; écrivaient, écrivaient. Quand le soin du corps était le soin de la vie, du vivant ; le respect de l’incarnation. A l’heure où celle-ci est pour beaucoup niée, avec la virtualité qui prend le dessus, l’exposition de Nicolas est une reconnexion douce et prolifique à celle-ci, et en cela elle est « bonne » ; une reconnexion  déculpabilisée, au féminin sauvage, tres peu de mise  au siècle du masculin.

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Commentaires

Marie
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L exposition est talentueuse sans compter le talent de l écriture

Nicole Hamouche
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merci :)

lelette
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Joliment écrit et digne du médecin humanistes

Nicole Hamouche
Répondre

merci :)