De la finance à la noix de macadamia. Success story d’inspiration

Article : De la finance  à la noix de macadamia. Success story d’inspiration
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1 mars 2019

De la finance à la noix de macadamia. Success story d’inspiration

Les noix de macadamia représentent un marché de plus 3 milliards de dollars, estimé à 4.5 milliards de dollars en 2024.  L’ex financier converti en gentleman farmer a de grandes ambitions pour Ambermacs, l’entreprise qu’il a créée dans la région verte et fertile de la Rivière Blanche, Mpumalanga, non loin du Parc National Kruger.   

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De la finance et du trading de pétrole brut, Philip Moufarrige, quadragénaire,  passe avec joie à la terre et à la production de noix de macadamia. Ilgrandit à Londres et travaille à la City pendant dix sept ans chez ICAP, une société de courtage de pétrole. «L’informatisation du métier, depuis six, sept ans ne laissait plus beaucoup de challenges» explique-t-il ; «cela devenait un peu ennuyeux ». Un de ses clients, Emvest, un fond d’investissements agricoles lui évoque un jour son souhait de se désengager  d’un investissement que la société avait effectué en Afrique du Sud, dont elle souhaite se désengager pour des raisons de risque politique principalement. Il s’agit d’une usine de production de noix de macadamia. Philippe Moufarrige est tenté par l’acquisition. Il se rend plusieurs fois à Mpumalanga, dans la région de la Rivière Blanche, durant cinq mois, pour explorer le terrain : parler avec les agriculteurs,  investiguer l’usine, les équipements. «Je n’en ai même pas parlé avec ma femme» révèle-t-il, pour ne pas être influencé, l’aventure entrepreneuriale étant plus risquée que les métiers hautement rémunérateurs de la finance. Il s’entretient aussi avec des clients potentiels, notamment américains, sachant que les Etats Unis constituent le premier marché pour les noix de macadamia. Le trader y a de nombreux contacts de même qu’en Europe. Il s’aperçoit ainsi qu’il peut jouer le rôle d’intermédiaire ici aussi, entre agriculteurs et clients, et prend la décision de se porter acheteur auprès du fonds, lequel lui accordera des facilités de paiement.  Philip Moufarrige avance seulement 25% du prix au départ et se met d’accord avec le vendeur sur un échéancier. Il est soutenu dans cette initiative par son patron de chez ICAP  et par un autre investisseur individuel, qui contribuent tous deux de façon minoritaire et passive. A charge pour Moufarrige de refaire vivre cette usine mise en sommeil un moment.  Car l’usine qui opérait comme une coopérative  détenue par les agriculteurs avait été cédée à un groupe privé local, actif sur différents créneaux et qui utilisa les noix de macadamia comme vache à lait pour  renflouer ses autres business. Il fit faillite. Le fonds américain racheta les actifs dans l’objectif de ré-exploiter l’usine… pour changer d’orientation un an et quelques mois plus tard. Le fonds abandonne son projet ; Moufarrige le prendra à bras le corps.

Il part à la recherche de l’ancien gérant de l’usine; interroge les habitants du voisinage, et finit par le retrouver. Celui-ci, à la retraite, travaille alors comme électricien dans une pompe à essence pour faire passer le temps. Il le convainc de revenir, l’engage avec une équipe d’une soixantaine d’employés, la plupart des femmes, dont beaucoup travaillaient déjà à l’usine. «Elles sont très efficaces et travaillent bien en équipe » souligne  l’entrepreneur ; « mieux que les hommes ».  Elles sont également des femmes à  diriger les principales activités : le cassage, le tri, le contrôle qualité et l’emballage . Le tri est essentiel quant à la qualité, et est un facteur de différenciation. Ainsi, Ambermacs est approuvé par la FDA (Food and Drug Administration). « Seules les noix d’excellente qualité peuvent être vendues comme snack, qui constitue une grande part du marché » selon Moufarrige. « Les autres noix servent les fabricants de glace,  les producteurs de gâteaux, de cookies, etc. L’huile des noix de macadamia  peut être utilisée pour la cuisine ; elle a pour avantage de ne pas bruler.  Elle est aussi utilisée dans  les produits cosmétiques. Des axes que Philip Moufarrige considerent à moyen terme, même s’il préfère « y aller, pas à pas ». A ce stade, il consolide le marketing sur le marché américain et son activité de base à savoir principalement ses relations avec les agriculteurs. C’est là que se trouve «  la clé du succès » selon l’entrepreneur.  Le marché compte cinq acteurs majeurs, tous locaux, dont deux de taille. « Il faut pouvoir amener les agriculteurs vers Ambermacs »  rajoute Moufarrige qui les rencontre souvent, prend le café avec eux, écoute leurs soucis. L’ancien courtier joue de son savoir-faire relationnel et il réussit. En une année d’exploitation, il vend dix conteneurs ; le conteneur se vend à USD 300 k – USD 350 k, environ. L’entrepreneur est passionne et optimiste, car le marché est grand même si les marges sont faibles. Les noix de macadamia sont très prisées car elles ont une importante valeur nutritionnelle, étant riche en protéines et en minéraux : zinc, manganèse, magnésium, etc. La Chine en est le deuxième consommateur ; mais les Chinois préfèrent les acheter avec leurs coques et les casser eux-mêmes, selon Moufarrige. Viennent ensuite, l’Europe et le Moyen Orient.  Au Liban, Ambermacs a pris contact avec Al Rifai, qui n’a pas encore passé commande.

Ambermacs lorgne, à plus long terme sur le créneau cosmétique aussi; les noix de macadamia ayant de grandes vertus pour la peau.  Pour l’instant, Moufarrige échange avec un partenaire européen potentiel sur le sujet. L’air du « Far West » que cette région lui rappelle, le porte allègrement. Le libanais londonien bien accepté parmi les locaux  se dit ravi de son expérience. Elle n’est pas que business : il a troqué Londres la trépidante contre la nature sauvage du Melsprutte, même s’il avoue que « l’aspect culturel de Londres (lui) manque » – il fait des allers retours toutes les trois semaines, y retrouvant aussi sa famille. Dans cette nature africaine, tout près du parc national Kruger, Philip Moufarrige fait de l’équitation et s’est mis à l’aviation. Ambermacs semble bien partie pour voler comme son fondateur.

 

Paru dans Magazine, Le Nouveau Mensuel , 1er mars 2019

Credit photo : Bessy Niotis

 

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