Sans démarcation
Une envie de partager ce texte écrit et lu a l’occasion d’une soirée poétique dans le cadre de l’exposition de Zena el Khalil a Beit Beyrouth ou la Maison Jaune, Musée de la Mémoire, autour du thème de la Réconciliation, de la paix , de la guerre et de la mémoire.
Sur la ligne de démarcation, habite un homme que tu aimes
Il t’a pris dans ses bras puis il t’a jetée dehors
Il aimait tes cheveux fins, couleur or
Toi tu aimais sa poitrine enveloppante
Quand tu as voulu le voir plus souvent, il a pensé que tu voulais le contrôler
Quand il t’a invité tel jour et pas tel autre, tu as pensé qu’il te manipulait, qu’il mentait
Lui a monté le ton, toi tu es partie
Tu rêvais de faire un enfant avec lui
Tu l’imaginais brillant, replet
Tu n’as rien dit tu es partie
Vous avez fait un malentendu tout gros, tout noir, tout sanguinolent
Exactement comme le Liban
Toi, je ne pense pas qu’au fond tu veuilles me faire porter le voile
Et moi je ne cherche pas à te voir communier le dimanche
J’ai pense que tu voulais me contrôler, tu as pensé que je voulais te priver
Et on n’a plus rien fait de ce qu’on voulait
On s’est retrouvé à plusieurs reprises le 14 février, le jour de la Saint Valentin,
On s’est aimé, on s’est promis
Et on a vite dévié
Tu as écouté le chant des sirènes
Pas celui de tes fameuses tripes
Pourtant on est du pays ou l’on mange les tripes
C’est pour ca qu’on y revient
On n’a pas trouvé le langage des tripes ailleurs
On a confondu tripe et étripe
Tripper n’est pas s’étriper
D’avoir trop mangé, notre estomac s’est brouillé
Et si tu me parlais, et si tu lâchais
Et si je lâchais
Mes cheveux sont encore en or
Ta poitrine est encore vaste
Que mets-tu dedans à part rancœur ou fantasmes et non dits ?
Des kilos de non dits qui provoquent ton reflux, ton apnée du sommeil ?
Des kilos de non dits qui vont dans le musée de l’écriture ou de la mémoire ; le musée de la guerre
Je n’aime pas les musées ; ils figent tout
Un musée n’en est un que s’il est visité
Revisite le musée de cette mémoire que tu as figé
Pour ne pas me rencontrer encore et encore
Mais on est tous deux atteints ; la «libanite»
Alors viens
Prends-moi dans ton cœur
Dansons sur la ligne de démarcation
Tu sais même pendant la guerre, elle était envahie de plantes sauvages, d’herbes folles.
On ne peut pas faire l’un sans l’autre, de chaque coté de la ligne
La ligne est triste
Tu as émigré, tu as continué à m’éviter … et à parler de moi
Tu peux juste dire pardon, désolé si je t’ai blessé
Si tu le sens, si c’est vrai
Moi aussi, j’ai envie de te dire pardon,
Tu peux entendre ?
Il suffit de très peu tu sais
Ne me raconte pas à chaque fois tout ce qui ne va pas ou plutôt ce qui n’allait pas
Ton livre et mon livre c’est l’espérance non ?
On est tous les deux du parti du livre, non ?
Alors li-aisons
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